Drapeau rouge
Roman
Page 44 : "...Ne négligeant aucun détail afin de mettre toutes les chances du côté de la victoire, Joël vérifia les attaches du transpondeur positionné sur la fourche de la 5F7. Satisfait, il tapa sur l’épaule de William. Impatient de tester les trajectoires rapides du circuit de Dijon, le jeune pilote se hâta de présenter sa moto sur le démarreur électrique. Après avoir contrôlé que l’arrivée d’essence était bien ouverte, ses mains se crispèrent sur les bracelets de la TZ. Prêt à embrayer, il fit signe à Jeff d’actionner le lanceur. Aussitôt, un bruit strident accompagna la rotation du pneu arrière et le deux-temps monta dans les tours, crachant une odeur d’huile brûlée dans une fumée aux reflets bleus. Puis, la moto descendit du démarreur et le pilote chercha le point mort afin de faire chauffer le moteur. Alors que la procédure s’achevait, soudain, une giclée d’eau sortit d’un goujon de culasse. Une panne subite qui enragea William. Tapant du poing sur le réservoir, il secoua la tête et coupa les gaz..."
Page 102 : "...Freddy entra dans la pièce en lâchant un soupir de colère. Une barre de rides plissa son front. D’un mouvement vif, il s’assit sur un des hauts tabourets décorant l’alcôve réservée à la clientèle. Il sortit son portable et consulta ses messages. Contrarié par le silence d’Olivier, il secoua la tête. Mais qu’est-ce qu’il me fait, ce petit con ? Il compte jouer son boulot avec moi ? Levant les yeux avec un dépit apparent, il remarqua alors que les pages des magazines relatant les excellents résultats de sa carrière professionnelle et ses beaux exploits sportifs avaient été soigneusement encadrées pour rejoindre les tableaux de performances de la compagnie maritime. Une idée peu conventionnelle traversa son esprit. Il misa sur son sourire, son atout majeur, pour capter l’attention de sa secrétaire :
— Jade… Depuis treize ans, vous côtoyez mes tracasseries d’homme d’affaires. Parfois, celles de ma vie privée. À ce propos, j’ai besoin d’éclaircir un point avec vous...."
Page 211 : "...La seconde manche fut plus coriace pour Freddy et William. Romain accéda rapidement à la première place. Mais Jarno avait décidé d’attaquer la 5F7 pour envisager sérieusement la troisième marche du podium. En deuxième position, le pilote de la 5KE usa de toute sa science pour empêcher le jeune suédois de prendre l’avantage sur lui. Depuis la pit-lane, la bagarre passionnait le public. Mais, sous sa combinaison de cuir, Freddy ressentait sa négligence sur ses entraînements. À l’approche du dernier tour, peu avant de mettre les gaz sur la ligne droite des stands, ses règles favorites lui martelèrent les tempes. Toujours avoir un temps d’avance. Ne jamais douter. Et vaincre. Il accéléra. Le circuit d’Alès ne manquait pas de dénivelés pour augmenter la complexité de ses virages en matière de technicité. Si, à chaque dévers, les sensations se voyaient multipliées, certains passages se prenaient presque à l’arrêt à cause de la faible largeur de la piste. Ce fut dans l’un d’entre eux que Freddy sentit à nouveau la roue avant de la 3YL chercher son aspi. Le pilote s’énerva. À croire qu’il pense la même chose que moi ! Durant quelques secondes, la voix de Jarno résonna sous son casque : « J’ai acheté cette 3YL en Floride. Regarde-là bien. Peut-être qu’elle va te parler… » L’idée que cette TZ soit celle avec laquelle il avait couru à Daytona en 1991 le déconcentra. Il laissa une ouverture en abordant le virage de la Parabolique. La TZ au carénage rose s’y engouffra comme une flèche. Devant la paire de pots qui le nargua aussitôt, d’autres paroles brouillèrent sa rage de vaincre : « … quand tu reverras le cul de ma moto sur la piste, avant de m’envoyer dans le décor, rappelle-toi ce qui s’est passé ce jour-là… »
Page 350 : "...Gagné par le surréalisme du paysage désertique qui entourait le Motorland Aragon, plus proche d’une ambiance western que celle d’un court-métrage urbain, Freddy se laissa happer par les qualités de la 911 et l’inimitable sonorité de son moteur thermique. Et malgré un intérieur techno et un aérodynamisme destiné à la version sur route, il se sentit propulsé une fois de plus sur un nuage de sensations qui le rendaient follement amoureux du modèle iconique de la marque allemande. Pour le fun, et sans risques pour les autres usagers de la voie rapide, il s’offrit deux dépassements de poids lourds et un passage de rond-point plutôt audacieux avant de se garer sur l’emplacement VIP de l’hôtel-restaurant Le Magdalena.
C’était aussi sa façon d’oublier que Juliette Zarnotti ne rejoindrait le Team que le lendemain soir. Il n’aurait même pas vingt-quatre heures pour la convaincre que leur histoire avait peut-être un avenir..."